• Opération mains propres dans la sécurité privée

Publié le par CFTC GRP Sécurité

D'ici au 1er janvier prochain, des contrôleurs vont passer au crible ce secteur en pleine expansion.

 

Trop souvent décrié pour ses supposées mauvaises manières, pointé du doigt à chaque «dérapage» qui finit en drame, brocardé lorsque ses «brebis galeuses» sont épinglées dans les colonnes des faits divers, l'univers de la sécurité privée est en quête de légitimité. Depuis trente ans, ces professionnels, qui se sentent mal-aimés, n'ont pourtant pas ménagé leurs efforts pour redorer une image écornée. En 1982, les barbouzes reconvertis, gros bras organisés en milice et autres vigiles douteux avaient essuyé une tempête médiatique après le tabassage à mort d'un vagabond au Forum des Halles, à Paris. Le drame, qui avait bouleversé l'opinion, a donné lieu à une loi «antibavure» adoptée le 12 juillet 1983 et visant à encadrer de façon draconienne les activités de «surveillance, gardiennage et de transport de fonds».

Cantonné depuis lors à intervenir principalement dans les lieux privés, rayé des listes en cas de condamnation et soumis à une palanquée d'autorisations administratives, le personnel des entreprises de sécurité privée cherche toujours ses marques alors que le secteur est en pleine expansion employant désormais plus de 150.000 salariés. «Le développement de notre profession a répondu aux nouvelles formes de délinquance qui frappent notre société et au désengagement de l'État, constate Claude Tarlet, président de l'influente Union des entreprises de sécurité privée (USP). Dans ce marché qui attire de nombreux acteurs et attise parfois, les passions, les repères sont devenus indispensables. Alors que la loi qui nous encadre n'est plus adaptée, il nous faut faire preuve d'une nouvelle maturité, en offrant nous-mêmes des garanties de transparence et d'éthique, en acceptant d'être contrôlés...»

Le grand ménage

Cette volonté de faire le grand ménage dans un épais maquis de sociétés pas toujours déclarées, ou gérées en sous-main par les épouses d'anciens cadres mis sur la touche pour malversation, rejoint celle des pouvoirs publics. Afin de promouvoir ensuite sa stratégie d'«œuvre de sécurité» entre le public et le privé, Claude Guéant, le ministre de l'Intérieur, entend le premier assainir le milieu. «Parallèlement à son action régalienne, l'État œuvre aussi pour la sécurité en encourageant l'ensemble de la société, élus, citoyens ou entreprises, à s'investir à ses côtés, précise l'hôte de la Place Beauvau. Pour être ressentie par tous, la sécurité doit être l'affaire de tous.» L'opération «mains propres» programmée s'inscrit dans le droit fil de la loi sur la sécurité intérieure (Loppsi II) votée au printemps dernier. Elle sera déclenchée dès la publication d'un décret, d'ici à la fin de l'année, qui rendra opérationnel un inédit Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps). Établissement public qui emploiera quelque 200 experts placés sous la direction générale du préfet Jean-Yves Latournerie, il réunira des policiers, des gendarmes, mais aussi d'importants acteurs privés spécialisés dans la sûreté des aéroports, la surveillance humaine, les transports de fonds ou encore les agences de détectives privés. «Organisme de régulation et de représentation, le conseil marque enfin le passage de la sécurité privée à l'âge adulte, avec les responsabilités et les devoirs que cela impose», considère le criminologue Alain Bauer , président de la mission de préfiguration du Cnaps.

Dès le 1er janvier 2012, région par région, zones de défense par zone de défense, les contrôleurs dûment formés par le Cnaps vont descendre sur le terrain et dans chaque entreprise pour vérifier notamment la validité des cartes professionnelles et des certificats de compétence, s'assurer que l'évolution du chiffre d'affaires correspond bien à l'état des effectifs, débusquer les profils présentant un passé un brin trop chargé… «Nous allons multiplier les diagnostics pour éradiquer les structures douteuses, a prévenu Jean-Yves Latournerie. Quand les bilans seront bons, les commissions régionales d'agrément et de contrôle pourront délivrer de nouveaux agréments…» Dans le cas contraire, les sanctions iront du blâme à l'interdiction temporaire d'exercer, synonyme d'une mort certaine pour nombre de microentreprises prospérant en marge de la légalité.

Considérant la moralisation du secteur comme un «enjeu de société dans le paysage de la sécurité en France pour les dix ans qui viennent», le préfet Jean-Louis Blanchou, délégué interministériel à la sécurité privée, pense déjà aller plus loin. Notamment en rénovant en profondeur le texte obsolète de 1983, dans l'espoir d'enfin passer d'une «loi de défiance à une loi de confiance». L'enjeu est de taille: le marché représente un chiffre d'affaires de 5,3 milliards d'euros hors taxes.

 

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